« Et bien mon gars, tu me fais honte à t’esquiver de la sorte. Ils ne toucheraient pas un éléphant à cette distance ! »
Voilà ce que dit un jour le général John Sedgwick, l’un des meilleurs et des plus expérimentés parmi les commandants de corps de l’armée du Potomac, à un soldat passant près de lui en cherchant à s’abriter de la mitraille.
C’était le 9 mai 1864, en pleine bataille de Spotsylvania, à peine quelques secondes avant que le bravache général nordiste ne soit blessé mortellement à la tête par un tireur d’élite confédéré.
La citation, célèbre aux Etats-Unis comme un bel exemple d’humour noir – on l’ampute d’ailleurs généralement de son ultime syllabe pour en accentuer l’effet -n’est pas, comme si souvent, apocryphe, mais parfaitement avérée par le témoignage très précis du général Martin McMahon dans les bras duquel Sedgwick s’est effondré.
En réalité, il ne s’agit pas tout à fait du « dernier mot » de Sedgwick, mais de l’avant-dernier. Ses ultimes mots ont en fait été prononcés dans un éclat de rire : « Très bien mon gars, retourne à ton poste » au même soldat qui, sans se démonter, avait répondu que baisser la tête lui avait déjà évité qu’elle ne soit emportée par un boulet.
Quelques secondes plus tard, le sifflement d’une balle est suivi d’un bruit mat. « … comme j’étais sur le point de reprendre la conversation, le visage du général se tourna lentement dans ma direction, le sang ruisselant de sa joue gauche. Il tomba de mon côté; j’étais si près que mon effort pour le soutenir fut vain, et je tombai avec lui » écrira McMahon.
L’ironie du sort.