Cette photo d’un officier allemand capturé et interrogé par des Américains entre Utah Beach et Sainte Mère Eglise le 6 juin 1944 pourrait être banale; mais elle pourrait aussi être emblématique d’une guerre plus complexe que ne le laissent à penser les quelques images que la mémoire sélective et « utilitaire » en véhicule parfois, et particulièrement au moment des grand-messes commémoratives nécessaires mais souvent un peu superficielles.
Cet officier « allemand » est le Hauptmann Lomatitze, de l’Ostbattalion 795, et il n’a en réalité rien d’Allemand. Il est Georgien. Son unité vient de la « légion georgienne » et se trouve alors rattachée à la 709e division d’infanterie de la Wehrmacht. Ils sont nombreux ces bataillons tirés des Ostlegione dans l’ordre de bataille allemand à l’Ouest depuis l’automne 1943, car jugées « peu fiables » sur le front de l’Est. Certains de ses membres sont d’authentiques volontaires « politiques », mais pour la plupart, leur engagement a surtout consité à échapper aux camps de prisonniers où les soldats soviétiques capturés en 1941-42 meurent alors par centaines de milliers, et bientôt par millions.
C’est donc la seconde fois que le Georgien Lomatitze est capturé. La fois précédente, il était commandant dans l’Armée rouge. Et alors que cette même Armée rouge ne cesse de porter des coups ravageurs à la Wehmacht sur le front de l’Est, ces milliers de Georgiens (ou Russes, Turcmènes, Ukrainiens, Biélorusses, Tatars…) ex-citoyens soviétiques, sont chargés de défendre des plages françaises sous l’uniforme allemand face à une « invasion » alliée conduite par les Américains et les Britanniques.
C’est aussi ça toute la complexité de l’Europe d’hier, de l’histoire du DDay et de la Seconde Guerre Mondiale…